lundi 15 octobre 2012

Des lucioles dans la nuit

Avez-vous vu "le tombeau des lucioles" (Studio Ghibli - 1988) ? C'est un film magnifique mais terriblement triste (préparez vos mouchoirs si vous pleurez facilement). Le titre fait référence à l'abri désaffecté que rejoignent les deux enfants japonnais livrés à eux même en pleine fin de seconde guerre mondiale, et qui, la nuit est illuminé par des milliers de lucioles.   




Oh, spectacle de la nature...
Ce spectacle on le retrouve de manière plus réaliste grâce un photographe japonais (dont voici le blog - je n'ai pas réussi à trouver son nom...). En tout cas les photos prises en pause longue (30s environ) laissent sans voix. 


Et la lumière fut !
Sans rentrer dans le détail, les lucioles appartiennent à la famille des Lampyridées. Ce sont des coléoptères comme la coccinelle, et il y a plus de 2000 espèces. L'émission de lumière froide, se fait grâce à une enzyme: la luciférase (en réalité il y a plusieurs luciférases). Celle-ci se lie à son substrat la luciférine et l'oxyde en oxyluciférine. L'oxyluciférine est alors à l'état excité et doit émettre un photon pour revenir à l'état fondamental. (La réaction nécessite de l'énergie sous forme d'ATP et du magnésium). 


Plus tu brilles plus tu plais ?
L'émission d'un tel signal dans la nuit n'est pas anodine, en effet l'insecte qui se rend visible a de fortes chances de finir dans l'estomac d'un prédateur.  Donc si la luciole émet de la lumière ce n'est pas pour plaire aux Hommes, mais plutôt pour plaire à ses partenaires potentiels. En réalité c'est un véritable dialogue, très complexe, qui s'organise autour de ces signaux lumineux qui sont émis à intervalles réguliers comme des flashs, et attention la précision est de l'ordre de la milliseconde ! Le dialogue lumineux peut ainsi durer plusieurs heures entre une dizaine de mâles en compétition pour une femelle, avant que l'un d'eux ne parvienne à la convaincre de s'accoupler avec lui. Il semble que la nature des flashs émis soit représentative de la qualité du mâle, et notamment des réserves protéiques qu'il apporte au moment de l'accouplement, une sorte de "dot" donc.


Draguer en groupe...
Les photos le prouvent, lorsque la population de lucioles est importante, le dialogue lumineux devient vite complexe. Les mâles, surtout s'ils sont mélangés à d'autres espèces de lampyres, peuvent alors avoir du mal à se faire entendre, enfin à se faire voir. La solution à ce problème est simple: "draguer la femelle luciole en bandes" ! Les mâles se regroupent et émettent leurs flashs lumineux de manière synchronisée. Une expérience présentée en 2010 dans Science montre que les femelles répondent à 82% lorsque les flashs sont synchrones et seulement dans 3% des cas lorsque les flashs sont asynchrones.

 A quand des lucioles sur mon sapin de noël ?


Pour conclure, je ne cesse de m'étonner lorsqu'il s'agit du pouvoir de discrimination qui existe dans les systèmes de communication. Même l'insecte le plus insignifiant, avec le système nerveux qui est le sien, doit pour communiquer émettre et recevoir un signal ultra-perfectionné car issu d'une sélection drastique liée à la reproduction. Cela rend humble...


- Pour en savoir plus sur les autres formes de bioluminescence:  Direction SSAFT
- Pour l'étude sur la synchronisation des flashs c'est ici : http://www.sciencemag.org/content/329/5988/181.short

5 comments:

Ethaniel a dit…

« un photographe japonais ([…] je n'ai pas réussi à trouver son nom...) »
Le photographe a pour pseudonyme « minoltan » car possédant un appareil Minolta α-7xi, le suffixe « -tan » marquant une personnification moe dudit appareil photo.

Jean-Philippe a dit…

Waouhou ! Merci pour ces précisions !

Xochipilli a dit…

Superbes les photos! Je suis un peu circonspect sur le caractère "ultraperfectionné" du signal qu'aurait patiemment forgé la sélection naturelle. La synchronisation des systèmes simples est en effet l'exemple le plus célèbre (cf le bouquin de Steven Strogatz, "Sync" par exemple) d'émergence de l'ordre à partir de systèmes très simples et de lois physiques élémentaires (comme les métronomes, voir par exemple http://www.youtube.com/watch?v=tlYIyKic3w8).

Après, tu connais mon scepticisme sur les explications adaptatives ("il semble la nature des flashs émis soit représentative de la qualité du mâle") qu'on veut attribuer à chaque préférence et à chaque comportement ;-)

Jean-Philippe a dit…

Je connais, et même j'apprécie, ce scepticisme caractéristique du scientifique, qui me donne toujours un peu de grain à moudre pour ma petite cervelle d’évolutionniste !

Effectivement attention aux "tout adaptaté" panglossien... La synchronisation est effectivement assez simple a obtenir. Mais le dialogue lumineux est je pense réellement complexe.
Cette étude interressante: http://byteland.org/firefly/resources/Femmes_Fatales_by_El-Hani_Queiroz_Stjernfelt_Biosemiotics_.pdf
Avec des lucioles "femmes fatales" qui imitent les signaux lumineux pour mieux dévorer d'autres lucioles... Le tout étant à l'origine probable d'une course évolutives aux signaux complexes moins facilement imitables. (Bon, j'avoue n'avoir lu que l'abstract)

Anonyme a dit…

Bonjour,
Où et à quelle période de l'année peut-on voir des lucioles (en grande quantité) ? Merci !

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