dimanche 10 octobre 2021

Bioctobre 2018 - jour 25 : Cadeau !

Ce billet est issu de la planche du livre Bioctobre 2018-2019, autour du mot clé "Gift": Cadeau.
Pour en savoir plus sur le livre et se le procurer rendez-vous sur cette page : Bioctobre 2018-2019 : Le livre
 

Planche N°XXVIII                                        #Gift 

- Cadeau - 

     Le poète dada Pierre Reverdy a écrit un jour : « Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour. » (Revue Nord-Sud 1918) ; un aphorisme qui s’applique sans doute assez bien aux araignées que sont les pisaures admirables (Pisauria mirabilis). Elles sont qualifiées d’admirables car les femelles sont des mères particulièrement dévouées. Elles transportent en effet les œufs avec elles dans un cocon, puis à l’éclosion, elles fabriquent une « toile pouponnière », un abri pour les jeunes araignées. Les mâles sont en revanche bien moins prévenants. En apparence ils jouent les galants et offrent aux femelles un « cadeau nuptial », une proie emballée dans un fil de soie brillant et enduit de phéromone. Est-ce là la marque d’un romantisme naturel, l’expression d’un amour courtois ? Pas vraiment, non… 

    Il participe, d’une part à satisfaire le métabolisme de la femelle, ayant moins besoin de chasser elle est aussi moins exposée aux prédateurs pendant l’incubation des œufs. Faciliter la survie de la femelle par un modeste présent augmente donc la probabilité de transmettre ses gènes. En l’absence de cadeau, la voracité de la femelle peut même se retourner contre le mâle qui fera alors don de son corps bien malgré lui. Comme chez la mante religieuse le cannibalisme sexuel est en effet très fréquent chez les araignées, mieux vaut donc pour les prétendants se munir d’un cadeau. 

    Enfin comme chez les humains, le cadeau est emballé, empaqueté avec attention, à tel point que le contenu est invisible pour la femelle. Lorsque la femelle accepte le présent, elle sera occupée à déballer ledit paquet pendant un certain temps, temps nécessaire au mâle pour déposer dans l’orifice génital de la femelle le sperme qu’il porte avec ses pédipalpes. L’opération est complexe et peut nécessiter jusqu’à une heure, heure pendant laquelle la femelle sera occupée à déballer et manger son cadeau. Toutefois, certains petits malins, un peu pingres, profitent de l’usage commun de cet emballage pour ne rien offrir du tout. L’emballage est vide ou ne contient que des végétaux ou la carapace d’un insecte déjà mangé. Certes, la femelle déçue mettra plus rapidement fin aux ébats laborieux du mâle indélicat, mais pas au point d’empêcher ces goujats de se reproduire. Ce succès relatif des tricheurs fut d’ailleurs l’objet d’une étude expérimentale en 2011, montrant un succès à l’accouplement identique, mais un transfert de sperme réduit pour les mâles présentant un faux cadeau. 

    Cette analyse méticuleuse des dons réalisés par les mâles ne laisse guère de place au romantisme ou à l’esthétique que le mystère amoureux laisse espérer. Il n’est heureusement question ici que d’araignées, et tout le raffinement de notre espèce consiste justement à dépasser les calculs mesquins qui pourraient exister dans tout cadeau de la Saint-Valentin. 

 Pour en savoir plus :

  • Albo, Maria J., et al. "Worthless donations: male deception and female counter play in a nuptial gift-giving spider." BMC Evolutionary Biology 11.1 (2011): 1-8. https://doi.org/10.1186/1471-2148-11-329

 
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